Le Palais National de Queluz redonne vie au lit de mort du roi Pedro IV
24 sept. 2025
Près de deux siècles après le décès du roi Pedro IV de Portugal, premier empereur du Brésil, la Salle de Don Quichotte du Palais National de Queluz — théâtre de sa mort 35 ans plus tôt — demeure imprégnée de sa mémoire et continue de susciter une profonde émotion chez les visiteurs. Dès ce 24 septembre, date anniversaire du décès du monarque en 1834, la reconstitution inédite du somptueux lit où s’est refermée cette page d’histoire offrira aux visiteurs une immersion renouvelée auprès de cette figure révolutionnaire, qui mit un terme définitif à l’Ancien Régime et ouvrit le Portugal aux idées novatrices du libéralisme.
D’après João Sousa Rego, président du Conseil d’Administration de Parques de Sintra, "le but de ce projet est de proposer une interprétation authentique de la salle de Don Quichotte, étroitement liée à la vie et au décès du roi Pedro IV, l’un des monarques ayant profondément marqué l’histoire du Palais National de Queluz ainsi que celle du Portugal et du Brésil. Ce lit ne constitue pas uniquement un élément mobilier, mais un symbole d’un tournant majeur qui a bouleversé l’histoire du Portugal. Sa restitution dans cet espace vient enrichir la narration patrimoniale du monument, conformément à la mission de l’institution."
João Sousa Rego souligne que "la reconstitution, historiquement documentée, du lit d’apparat a nécessité une investigation approfondie, suivie d’un processus rigoureux faisant appel à des artisans spécialisés en menuiserie et en couture, afin d’obtenir une réplique aussi fidèle que possible à l’original, utilisant les mêmes essences de bois et les mêmes textiles mentionnés dans les inventaires consultés. Ce projet s’inscrit dans l’un des trois principes fondamentaux qui guident l’action de Parques de Sintra — une offre culturelle et touristique différenciée, qui enrichit l’expérience et valorise de manière authentique le patrimoine — et illustre comment la recherche historique, la conservation et les arts traditionnels peuvent redonner vie à des éléments essentiels de notre mémoire collective."
La mort du roi Pedro IV, ou l’acte politique qui provoqua la chute de l’Ancien Régime
En 1834, gravement malade, le roi Pedro de Alcântara, ancien roi du Portugal et premier empereur du Brésil, choisit la salle de Don Quichotte du palais de Queluz comme lieu de sa mort et de son dernier acte politique. Après avoir triomphé dans la guerre civile opposant les partisans de l’Absolutisme, menés par son frère, le roi Miguel, il instaura le Libéralisme au Portugal. Cependant, au seuil de la mort, il demanda avec lucidité à être conduit au bastion de l’Ancien Régime où il était né. Au moment de rendre son dernier souffle, il était entouré de son épouse, la reine Amélia de Leuchtenberg, de la jeune reine Maria II, de la princesse Maria Amélia, des ducs de Terceira et de Saldanha, de ses aides de camp, de ses domestiques personnels, ainsi que de son confesseur, le père Marcos.
Le sens de cette décision — comme nous le comprenons aujourd’hui — fut pleinement atteint : sa disparition mit un terme définitif au chapitre de l’Absolutisme dans l’histoire du pays, et sa mémoire s’est liée si étroitement au Palais de Queluz que ce lieu n’a plus jamais été le même. La salle de Don Quichotte s’est transformée en une sorte de sanctuaire, et le lit d’apparat sur lequel il rendit son dernier souffle a acquis une profonde valeur symbolique, soigneusement conservé comme témoin de l’histoire.
Souhaitant préserver la mémoire du roi Pedro IV en tant que « libérateur » de la Nation, le nouveau régime conserva la salle de Don Quichotte dans son état de chambre à coucher, tel qu’aménagé en 1834, avec pour pièce centrale le lit d’apparat. Aucun des souverains suivants ne choisit d’y séjourner, marquant ainsi une mise à distance symbolique du palais de Queluz.
Mentionné par plusieurs visiteurs illustres de passage au Portugal, tels que le prince Felix Lichnowsky de Prusse ou l’Anglaise Dora Wordsworth. Toutefois, c’est à la princesse Maria Amélia, fille cadette du roi Pedro IV, elle aussi décédée prématurément de la tuberculose, que l’on doit le témoignage le plus empreint d’émotion, dans une lettre datée du 27 août 1851 relatant une visite à Queluz : « Après la mort de mon père, je ne suis jamais retournée dans ce palais. Je ne me souvenais de rien, absolument rien, à l’exception de la chambre où mon père est mort… Là, tout me revenait. Chaque objet est gravé dans ma mémoire, bien que je n’avais alors que trois ans ! C’est avec une grande émotion que j’ai pénétré dans cette chambre… Le lit… le lit est toujours là, au même endroit, décoré des mêmes tentures ; les mêmes couvre-lits, les mêmes coussins… tout est parfaitement conservé… Ah… »
Une relique historique oubliée, aujourd’hui ressuscitée
Dans la nuit du 4 au 5 octobre 1934, alors que se poursuivaient les vastes travaux de restauration destinés à préparer l’ouverture définitive du palais de Queluz au public, un incendie se déclara, endommageant gravement une partie importante de l’édifice, notamment l’aile abritant la Salle de Don Quichotte. À cette époque, bien que la majeure partie du mobilier du palais ait été sauvée, le lit du roi Pedro IV ne survécut pas au sinistre et fut remplacé par un lit à baldaquin issu des anciennes collections de la maison royale, qui demeure en place jusqu’à aujourd’hui.
En 2022, la valeur symbolique de cette pièce a conduit Parques de Sintra à lancer un projet de recherche visant à faire renaître le lit de mort du Roi Soldat. L’iconographie existante — notamment l’aquarelle de Ferdinand le Feubure datée de 1850 ainsi que des photographies d’époque — a fourni des données précises concernant la structure en bois et l’armature textile, incluant la couverture, le revêtement du dossier et le dais orné d’une frange en passementerie. Les descriptions figurant dans les inventaires postérieurs au décès du roi Pedro IV (1851, vers 1874, 1908-1910) ont permis de recueillir des informations détaillées sur les matériaux utilisés, tels que le bois d’aubépine pour le lit, la soie damassée bleue employée pour la couverture, et la toile blanche brodée du dais, dont la frange était décorée de glands verts et blancs. Certains de ces inventaires mentionnent également les dimensions de certains éléments de l’armature textile, constituant ainsi un atout précieux pour ce projet.
Étant donné la spécificité des composants liés à cette pièce de mobilier, les conservateurs de Parques de Sintra ont structuré le projet en deux volets distincts. D’une part, la fabrication de la structure en bois d’aubépine, telle que mentionnée dans les inventaires, a été confiée à un ébéniste spécialisé dans le mobilier classique, qui a réalisé un dessin technique avant d’en assurer la fabrication. Simultanément, l’élaboration de l’armature textile a été confiée à un atelier de couture et de décoration, lequel a reproduit avec précision les éléments visuels et descriptifs existants, en utilisant les mêmes tissus mentionnés dans les inventaires.
L’aboutissement de ce projet, mené sur trois ans, est désormais présenté aux visiteurs dans la salle de Don Quichotte du Palais National de Queluz. Située dans l’aile des appartements privés des monarques, construite dans la seconde moitié du XVIIIe siècle selon le projet de l’architecte français Jean Baptiste Robillion, cette salle, ornée d’éléments décoratifs rococo et néoclassiques, doit son nom aux peintures représentant des scènes de la vie de Don Quichotte de la Manche, de Cervantes, qui décorent la corniche et les dessus-de-porte. Bien que cet espace ait été affecté à diverses fonctions au fil du temps, c’est la mémoire de la mort du roi Pedro IV qui y demeure vivace aujourd’hui.


